L’article récent de Moneyvox souligne bien les excès du modèle actuel. Les conditions d’épanouissement des conseillers bancaires sont très perfectibles et les clients en subissent directement les conséquences.
Le conseiller est pourtant la compétence distinctive des banques traditionnelles dans la compétition en cours avec les fintechs et la prise de conscience doit se transformer en projets et en actions dans les directions commerciales, dans les directions des réseaux bancaires.
Dans cet article, nous proposons une explication à la pression actuelle sur les commerciaux et nous proposons les champs de réflexion qui contribueront à défendre la place et le rôle du conseiller dans un monde digitalisé.
Le système de marges des banques est une des explications de la pression
Le prix et les marges sont en effet une des explications de la situation actuelle. La banque au quotidien qui crée le plus d’interactions quotidiennes entre la banque et son client ne rapporte pas grand-chose. Les conseillers sont donc concentrés sur des produits à plus forte marge mais dont la consommation est plus rare. Le système imposant au conseiller de proposer le produit à des moments où le client n’en a pas forcément besoin.
La répartition des marges est en effet souvent absurde dans la banque. Et elle finit par créer des dysfonctionnements et des insatisfactions.
Elle est tellement absurde que le régulateur essaie très régulièrement d’en contenir les excès. Il est temps que les banques s’emparent du sujet et commencent à modifier le système de valeur.
Modifier le prix des services ne peut se faire du jour au lendemain dans un environnement aussi conservateur mais il est possible d’associer une revalorisation du rôle du conseiller à une meilleure rentabilité de la banque au quotidien. Il est possible de diminuer le poids de la tarification négative. Il est possible d’équilibrer différemment les systèmes de marge pour que la pression commerciale épouse mieux les besoins du client.
Comment défendre l’expertise et la qualité de la relation humaine
Un conseiller en contact avec les clients est rentable
Si on considère le volant d’affaires qu’il pilote avec son portefeuille, sa rémunération est facile à justifier.
A lui de faire prospérer son portefeuille. D’observer ses clients. Ceux qui sont autonomes avec les nouveaux canaux, ceux qui le sont moins. Ceux qui traversent un des grands moments de leur vie et qu’il faut absolument rencontrer. Les autres. A lui de favoriser la meilleure expérience pour ses clients. A lui d’augmenter année après année la qualité de la relation et (si le système de valeurs le permet 😉 la rentabilité de cette relation.
Il faut pour cela lui faire confiance et lui redonner de l’autonomie et de la séniorité.
Faire confiance et redonner de l’autonomie
Ce n’est pas un hasard si les difficultés sont moindres dans les réseaux mutualistes. Ils sont encore décentralisés, ils conservent leur nombre d’agences et ils conservent les moyens d’accéder directement à son conseiller.
Même si les objectifs commerciaux existent bel et bien et qu’elles ne sont pas complètement protégés des excès soulignés par Moneyvox, il faut reconnaître que les banques régionales laissent souvent plus d’autonomie à leur réseau (en termes de décision et de délégation notamment).
Valoriser la séniorité
Cette confiance et cette autonomie sont plus difficiles à donner dans des réseaux qui rajeunissent en raison d’un grand turnover.
Le client attend pourtant de l’expérience dans un établissement historique et il faut trouver les moyens de la conserver. Le conseiller devrait devenir le coach financier de son client et l’accompagner sur la durée.
La banque a une place privilégiée pour exercer ce rôle. Ne laissons pas la place à tous les intermédiaires qui n’attendent que ça (conseillers en gestion de patrimoine, courtiers immobiliers, assureurs…)
Nous aimons bien le modèle des agents d’assurance, un modèle qui a été décliné dans la banque en Belgique. Nous ne recommandons pas que les directeurs d’agence deviennent des indépendants mais ce modèle a le mérite de donner à l’agence beaucoup de flexibilité pour s’adapter à son environnement. Il assure aussi une grande longévité des interlocuteurs.
Et cela passe bien entendu par une formation pointue.
Evaluer la performance sur l’ensemble de la relation avec le client
Il faut vendre tant d’assurances vie ce mois ci… C’est le mois du revolving …
Nous sommes encore peut-être trop sur des objectifs par produit et la batonnite est encore de mise.
Cela commence dans certains établissements mais il faut continuer à introduire des objectifs basés sur l’ensemble de la relation client et sur l’ensemble du portefeuille du conseiller si ce n’est déjà fait : Combien de clients conservés, combien de clients acquis. Combien de clients bien équipés. Combien de jeunes fidélisés. Quel PNB moyen par client sur la totalité du portefeuille.
Rééquilibrer le temps
Les conseillers en agence se sont vus confier plus de tâches. Des fonctions administratives se sont ajoutées aux fonctions commerciales.
Une agence ce sont aussi des charges logistiques et cela fait partie du service rendu au client mais comment s’assurer que les conseillers front office soient toujours plus disponibles pour leurs clients ? Comment les nouveaux canaux peuvent-ils améliorer la relation en offrant plus de solutions ? Quelle est la bonne répartition des rôles avec le centre d’appel ou avec un middle office qu’il faudrait peut-être recréer ?
Un conseiller organisé et mieux concentré sur le suivi de ses clients saura faire le travail qu’aucune machine ne saurait remplacer.
Les nouveaux outils pour aider à faire triompher le bon sens
Il est facile pour le rédacteur de ses lignes de lancer ces pistes parfois difficiles à appliquer et souvent coûteuses en termes de charges. Elles sont bien plus à l’esprit des décideurs que ce texte le laisserait supposer.
Mais nous voulons nous servir du très bon article de Moneyvox pour insister sur l’urgence des évolutions et des expérimentations pour sortir de ce cercle vicieux qui dégrade les liens humains des clients avec leur réseau.
Nous adorons ce nouveau climat plus ouvert au bon sens. Nous travaillons aujourd’hui avec plaisir sur ces sujets et nous voulons continuer à stimuler les réflexions. Le moment est propice parce que les nouveaux outils rebattent les cartes et peuvent apporter des solutions.
Nous ne parlerons pas aujourd’hui des parcours digitaux qui transforment la relation client/conseiller. Cela fera l’objet d’un prochain article.
Nous évoquerons en revanche la data qui offre de précieux éléments d’analyse, elle permet de faire remonter des vérités et des évidences quand on descend dans le détail, elle permet d’évaluer les impacts des scénarios d’évolution envisagés.
- La data permet d’évaluer les temps du front et du middle.
- Elle permet d’automatiser des tâches et donc d’optimiser les fonctionnements.
- Elle permet de travailler sur la performance des événements du CRM.
- Elle permet de construire des scénarios de rééquilibrage des marges pour petit à petit modifier à terme les contributions.
- Elle permet au conseiller d’enregistrer dans le système ce qu’il sait du client pour affiner continuellement les outils de compréhension des clients et les propositions ciblées que l’on peut lui faire au bon moment. Elle permet notamment de noter que l’on a déjà proposé le produit il y a quelques mois et le souhait du client de ne pas être relancé sur ce produit.
- La data dispose souvent de données sous exploitées qu’il suffit de faire remonter dans les tableaux de bord pour découvrir des évidences.
Bien accompagnée par les cerveaux humains qui l’analysent et la mobilisent, elle peut faire des merveilles.
Allez ! C’est le moment ! Laissons nous guider par l’objectif qui est de continuer à offrir au client une relation humaine experte avec sa banque.
Oui il y aura des impacts quand on changera les choses. La logique des objectifs et la logique budgétaire sont rassurantes. Mais l’aire de la batonite a vécu et il faut enfin analyser la relation dans son ensemble. Le client sent bien les embarras de son conseiller et lui aussi peut être poussé vers la concurrence si nous continuons comme cela.